Double comptage climatique: définition 

Le double comptage est une notion de comptabilité élémentaire et sur le plan climatique. C’est une mise en garde afin de s’assurer que le calcul et l’imputation des émissions, réductions et séquestrations de GES soient justes et balancées.

Idéalement, cela voudrait dire que tous les intervenants soient sur la même longueur d’onde, ou que la ou les méthodes de calcul soient compatibles tant sur le plan individuel, d’un bâtiment/installation, d’une région, au niveau des états infranationaux, national que dans le cadre de l’Accord de Paris.

Les différents types de double comptage climatique

 

Le double comptage, ou en anglais «double counting», peut se manifester de plusieurs façons.  Nous avons identifié les trois suivantes :

  • calculer deux fois la même émission de GES
  • vendre plusieurs fois la même réduction de GES qui aurait été quantifiée et vérifiée préalablement
  • revendiquer deux fois et plus, par des entités différentes, la même réduction ou la même émission de GES qui aurait été quantifiée.

 

La définition utilisée par le programme VCS/VERRA se lit comme suit: «Le scénario dans lequel une réduction ou une élimination d’émissions de GES singulière est monétisée séparément par deux entités différentes ou dans lequel une réduction ou une élimination d’émissions de GES est vendue à plusieurs acheteurs». Voyons en détail :

  1. Calculer 2 fois la même émission de GES : c’est la responsabilité immédiate du porteur de projet ou du quantificateur de sélectionner judicieusement le périmètre de calcul des émissions de GES d’une empreinte carbone.À titre d’exemple, au niveau d’un bâtiment, le périmètre de calcul des niveaux 1 (émissions directes) et 2 (émissions indirectes) est assez simple et pose peu de soucis.  Pour le niveau 3 un enjeu portant sur les réductions liées à la mobilité durable des personnes ou produits, en mode intrant ou extrant, sur leur cycle de vie, le choix du point d’ancrage de l’imputation d’émission de GES pourrait être problématique et être imputée autant sur le lieu de départ ou sur le lieu d’arrivée et pourrait occasionner du double comptage.


    On peut très bien l’imaginer pour un déplacement entre deux organisations/bâtiments de propriété différente. Une traçabilité numérique peut s’avérer pertinente et l’on constate l’émergence de solutions technologiques de type block chain qui voient leur arrivée dans le champ du développement durable.

  2. Vendre 2 fois ou plus la même réduction/séquestration de GES convertie, suite à la vérification d’une tierce partie, en crédit de carbone à différents acheteurs.  D’où l’importance de la sérialisation de chaque réduction qualifiée, quantifiée, vérifiée et enregistrée par un registraire (i.e Verra). Chez Solutions Will, tous nos crédits carbone sont sérialisés.

    Cette mesure est d’autant plus nécessaire lorsqu’il y a présence d’un marché secondaire, où courtiers et revendeurs se placent entre le promoteur du projet de réduction/séquestration et l’acheteur en mode final qui retire définitivement du marché les crédits de carbone achetés de la circulation. Là aussi des solutions technologiques de type blockchain voient leur arrivée dans le cadre des transactions de ventes de crédits de carbones.

  3. Réclamer deux fois la même réduction de GES dans le cadre d’un projet carbone impliquant des réductions de GES réalisées à travers une chaîne d’activités, similaire à une chaîne d’approvisionnement. Un exemple parlant est la filière de gestion des déchets.Le cycle de gestion de celle-ci comprend la génération, la collecte, le transport, le tri, la réutilisation, le recyclage et l’élimination finale de déchets. La même réduction de GES ne peut être imputée qu’à un seul de ces intervenants, tout en n’empêchant pas le partage de cette réduction entre ceux-ci. D’où la nécessité primordiale de s’assurer de qui possède la propriété effective des émissions, réductions/séquestrations de GES validées par le projet carbone.

 

Le double comptage au niveau international

Au niveau international,  les discussions interminables concernant l’article 6 de l’Accord de Paris sur l’International Trading Mitigation Outcome (I.T.M.O.) est un reflet des enjeux de double comptabilité dans un transfert du financement promis des pays riches vers les autres (100 milliards$/an).

Des dizaines de pays ont pris l’engagement de réduction national dans leur CDN (Contribution déterminée au niveau national) sur l’Accord de Paris d’utiliser des mécanismes de marché pour atteindre leurs objectifs.  Très sommairement le rôle des marchés dans l’atteinte des CDN sera entre pays acheteurs de crédits de carbone et pays vendeurs de crédits de carbone appuyés par des projets de réduction/séquestration physiquement réalisés sur leur territoire.

Comment ces transactions de crédits de carbone seront-elles comptabilisées pour éviter de les imputer deux fois, soit une fois dans les portfolios des pays acheteurs et une deuxième fois dans celui des pays vendeurs ? Quel seront les mécanismes équitables afin de garantir et d’initier ces marchés sur la base de principes de justice sociale, justice historique et environnementale?

Qu’en sera-t-il du mythe de l’opportunité du plus bas coût d’acquisition des crédits de carbone sur des projets de réduction ou séquestration dans un monde économique en repli protectionniste. Y aurait-il des mécanismes pour limiter ces acquisitions à 50% chez soi (local), comme laboratoire du changement et une disponibilité et ouverture pour compléter avec des acquisitions 50% internationales ?  Est-ce que la communauté internationale favorisera une inscription aux comptes des pays nationaux dans leur CDN pour chaque crédit de carbone certifié ?  ¼ pourrait être inscrit au CDN pour les pays de l’OCDE (ou le G-20) acquisiteur et ¾ aux NDC vendeurs des pays restants, ce qui pourrait favoriser le transfert monétaire promis depuis plusieurs années.

Au Québec, dans le contexte d’un gouvernement infranational et de l’existence du Système de Plafonnement et d’Échange de Droit d’Émission (SPEDE)

Depuis le 1er janvier 2015, dans le SPEDE, il y a un espace marché qui est réglementé pour moins de 0,1% des installations assujetties. Pour le reste, soit, 99,9% de la société civile c’est une taxe carbone qui s’applique. Dans ce cas-ci, la double comptabilité est associée à la prétention que la propriété des émissions et des réductions de GES est passée sous silence et qu’en fait elles auraient été acquises par l’État québécois, au détriment des consommateurs d’énergie fossile. En fait distribuer de l’énergie fossile ne veut en aucun cas dire la consommer; les distributeurs d’énergie fossile ne sont aucunement les propriétaires des émissions de GES de leurs clients qui la consomme.

Par la suite, les prix d’acquisition des droits d’émission sur les encans du WCI (Western Climate Initiative) sont toujours largement inférieurs au coût social du carbone.  Ainsi, le prix d’acquisition d’un droit de polluer sur le  SPEDE est autour de 20$ Cad alors que le coût social ou d’impact se situerait autour de 200$ Cad.  Il y a une place pour un ajustement simple, administratif ou réglementaire sur le SPEDE, afin de valoriser un signal d’impact avec un cocktail de mesures et non uniquement par le signal de prix sur le SPEDE.

Des ajustements simples pour le SPEDE seraient applicables dans l’espace disponible au budget carbone québécois de sa partie mobile et qui représente 8% pour des crédits réglementés compensatoires CrC, dans les portfolios de conformité des 150 entreprises assujetties au SPEDE. Des réductions/séquestrations de GES qualifiées selon une démarche scientifique, devraient être acceptées minimalement à hauteur de 50% dans les portfolios de conformité.

Martin Clermont

Martin Clermont

Président et fondateur

Auteur de l’article